Voilà voilà, depuis trois semaines je suis propriétaire d'un jardin.
Accessoirement,
il y a une maison à un bout. Mais on achète surtout le jardin, c'est
bien connu (ou devrais-je dire, et particulièrement dans ce cas-ci, l'idée d'un jardin ??)
Un jardin modeste dans lequel on ne pourra jamais caser une pelouse
verdoyante ni une garden-party huppée : 5
mètres de largeur en tout et pour tout, quelques dizaines de mètres en
profondeur. Un jardin-promenade, à parcourir de long en long, de long en long...
Le compost, bien évidemment sera au fond du jardin.
Et le fond, c'est loin. Pas plus mal, car le compostier du voisin est aussi dans les
parages, avec des feuilles de chou et des sachets de thé qui
flottent à la surface (normal, c'est un compost)... restez bien au
fond, les gars!
Malgré sa géométrie de tagliatelle, ce petit jardin est
charmant. D'abord, il faut marcher un bon coup vers le sud pour tomber sur du
voisinage (en l'occurence, des arbres abritant un tennis).
Le parcours
est zigzaguant et anarchique, grâce à quantité d'arbres et de bosquets
en tous genres. Et en cette saison feuillue et prolifique, on arrive
très rapidement à ne plus voir la maison (hou-ouh, t'es où??) Un vrai
jardin bucolique et campagnard, en pleine ville.
Tout devrait
donc aller pour le mieux (en observant un digne silence sur les GROS
travaux de la bicoque-annexe-de-jardin) si ce n'est que, patatras, je suis très vite tombée sur un os.
Ou plutôt, un rhizome. Des mètres et des mètres et
des mètres de rhizome. L'enfer vert, version souterraine. Les
échangeurs du métro parisien sous mon gazon. Car dans ce joli jardin il
y a...
Rhus typhina!
Cet
arbuste magnifique, à la belle allure tropicale, est représentée par
deux vénérables individus dans mon jardin. D'après les voisins, ils
doivent avoir vingt ans. Le rhus a une frondaison en parasol
(stratégie horizontale, j'y reviendrai), un beau feuillage penné, un
tronc qui se divise tôt ce qui lui donne une élégance particulière. On
imagine volontiers sa belle silhouette au fond de la savane. A dire
vrai, ça m'arrangerait bien qu'ils soient au fin fond de la savane ces deux-là...
Mesdames-z-et-Messieurs, connaissez-vous
Rhus typhina?
Un bien intéressant végétal. Tu le coupes, t'as cinquante repousses. Tu
le brûles, t'as cent repousses. Tu l'arraches, ha ha, il en
restera toujours. La saison suivante : deux cent bébés
rhus dans ta pelouse. Le principe directeur:
je m'étale et je me propage. Ce que les fruits ne pourront pas produire, les rhizomes s'en chargent. A des mètres et des mètres à la ronde.
Le
rhus fait beaucoup d'ombre (bien agréable en été, il faut le
reconnaître). Sous sa propre ombre rien ne poussera et ses propres
rejetons ne pourront pas non plus grandir. Pas découragé pour autant,
rhus envoie ses rhizomes très très loin de la plante mère. Et le
tour est joué, ça pousse dans les plates-bandes, ça pousse le long de
la clôture, ça pousse dans le potager, ça pousse chez les voisins.
Dans
les terrains qui ne sont pas étroitement surveillés, une colonie de
rhus peut détruire la végétation locale en quelques années. Pour son caractère invasif, cette plante est sur la
liste noire du
Conservatoire de la Biodiversité en Suisse. J'ai déjà vu en Provence,
des faux acacias coloniser la moitié d'une colline en moins de dix ans.
Ces plantes sont belles, mais redoutables! D'accord, si vous tondez
tout autour, vous ratiboisez les drageons qui n'auront pas
l'opportunité de grandir. C'est un contrôle illusoire, car pendant ce
temps, les rhizomes tracent la route... et un jour où l'autre, ça se
met à pousser dans un coin que vous ne soupçonnez pas.
Un bon conseil: avant de planter ce magnifique machin, réfléchissez.
C'est un contrat de deux ou trois cent ans, entretien lourd.
Les moyens d'action seront mis à l'étude cet été. En attendant, je
profiterai de leur belle ombre fraîche (en jetant des regards
soupçonneux sur tout ce qui sort de terre)...